Economie sociale et solidaire et entreprises à mission
Dans l’économie sociale et solidaire, nous parlons souvent d’hybridation des ressources. Longtemps nommé « tiers secteur » du fait de sa position intermédiaire entre le monde des entreprises capitalistes et le secteur public, l’ESS est marquée par l’hybridation de ressources qui peuvent venir à la fois d’une production ou de services vendus et à la fois d’un financement public contrepartie à la réalisation d’un service considéré d’intérêt général.
Or, depuis quelques années, que ce soit du fait de la raréfaction des financements publics ou du fait de choix politiques plus ou moins assumés, les structures de l’ESS connaissent une baisse des ressources publiques.
L’équilibre des ressources devient donc conditionné à la capacité de ses structures à lever des fonds privés liés à leur activité propre ou liés à de la philanthropie ou à l’engagement sociétal d’entreprises à travers des fondations ou de leur politique de Responsabilité sociale et environnementale.
Cette tendance participe à rendre le fonctionnement des organisations de moins en moins lisible. Quelles sont les différences extérieures visibles entre association assujettie à la TVA, entreprise sociale, Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale, B-corp et autres entreprises hybrides ?
Certaines différences liées à la gouvernance de ces structures sont fondamentales et il ne s’agit pas de les nier. Je vous renvoie au texte fondateur de la Loi de 2014[i] relative à l’économie sociale et solidaire et aux concepts de gouvernance démocratique, lucrativité limitée et utilité sociale.
Néanmoins, nous sommes face à un monde entrepreneurial de plus en plus flou et à une hybridation des modèles.
Quand l’ESS se crée des filiales « rentables »…
Face à des incertitudes de plus en plus marquées sur l’accès des structures à des financements publics ou philanthropiques récurrents, certaines organisations de l’ESS se lancent dans des modèles hybrides que ce soit par la création de sociétés commerciales capables d’alimenter financièrement les activités sociales (qui ne sont donc par essence pas faites pour être rentable) ou que ce soit par le montage de Joint ventures sociales qui s’appuient sur des grands groupes.
De l’autre côté de l’échiquier, avec l’appui récent de la Loi Pacte votée le 11 avril dernier à l’Assemblée Nationale, les entreprises à capitaux se voient donner la possibilité de se définir une raison d’être complémentaire à leur raison première de faire du profit. Un nouveau statut a même vu le jour, les sociétés à mission.
Du profit à une hybridation des modèles économiques : les sociétés à mission
Inspiré des Benefit corporation ou entreprises hybrides qui connaissent un développement aux Etats-Unis depuis 2010 ou encore les societa Benefit en Italie, les entreprises à mission[ii] inscrivent dans leur statuts une finalité d’intérêt collectif (social, environnemental, de gouvernance) qui a valeur juridique et engage formellement les actionnaires. Cette mission étant statutaire, les entreprises à mission se dotent d’outil de gouvernance et de reporting leur permettant de suivre et de contrôler leur action.
La principale différence avec les engagements RSE c’est la portée des engagements juridique qui deviennent opposables contractuellement dès lors qu’ils sont inscrits dans les statuts. Il s’agit donc bien d’intégrer davantage un intérêt collectif dans l’entreprise qui dépasse le seul intérêt de profitabilité. Cette évolution statutaire entérine donc le rôle social voire politique de l’entreprise et rééquilibre le pouvoir entre actionnaires et entreprise en tant qu’entité à parties prenantes multiples (salariés, partenaires, riverains, etc.).
Autrement dit par Blanche Ségrestin, Armand Hatchuel et Kevin Levillain dans le cadre de leurs travaux à Mines ParisTech et au sein du programme du collège des Bernardins, « la formulation d’une « mission », c’est-à-dire des progrès ou des « futurs désirables » auxquels l’entreprise s’engage contractuellement à contribuer par son activité, permet en interne de fonder l’engagement des parties dans l’entreprise ainsi que l’habilitation d’un pouvoir de direction au nom de cette mission. En externe, la mission donne à la société et aux parties concernées un droit de contrôle sur l’entreprise tout en reliant l’intérêt de l’entreprise à l’intérêt collectif[iii]. »
Et si ESS et entreprises à mission permettaient de créer un nouveau modèle économique durable ?
Nous sommes dans un contexte de transition(s) particulièrement marqués par des enjeux sociaux et environnementaux sans précédent. Chez InterstiCiel nous sommes convaincus du rôle des « agents économiques » que ce soit au niveau individuel ou que ce soit au niveau des organisations. Il n’est plus temps d’être dans la compétition ou la négociation mais bien de faire un pas vers un intérêt collectif sur lequel ESS et entreprises à capitaux peuvent réciproquement se développer.
L’ESS peut apporter ces savoir-faire particuliers que sont la gestion du collectif, la construction de projets multi objectifs, l’évaluation des impacts sociaux et environnementaux de son action, aux TPE/PME qui s’engagent dans une « mission » qui dépasse leur objectif premier de faire du profit.
Chez InsterCiel nous avons vocation à accompagner les TPE/PME dans la définition de leur raison d’être et dans la construction d’une organisation cohérente avec l’ensemble de leurs objectifs particuliers et collectifs.
[i] Lien Legifrance
[ii] Kevin Levillain
[iii] Article Blanche Ségrestin, La mission, un nouveau contrat social pour l’entreprise, Revue Esprit